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Les tribulations de la Tribu
12 octobre 2012

La Méthode Kangourou : Textes et Interview de professionnels de santé

LES SOINS KANGOUROU : Pourquoi est-ce efficace?

 

Au début des années 80, la mortalité des bébés de Bogota avoisinait les 70%.

 Les bébés mouraient d'infection ou de problèmes respiratoires, aussi bien que du manque d'attention des parents. Les soins kangourous sont donc nés de la nécessité : les enfants prématurés sont confiés á leur mères qui les tiennent 24h sur 24, dormant avec l'enfant niché sous leurs vêtements comme dans une poche de kangourou. Si un bébé a besoin d'oxygène il est sous un hood placé sur la poitrine de sa mère.

 Les médecins qui conduisaient l'étude kangourous ont observé une brusque diminution de la mortalité. Les bébés n'ont pas seulement survécu mais se sont mis á aller très bien.

 A Bogota il est courant qu'un enfant prématuré de 31 semaines rentre á la maison dans les 24 heures ! Les critères pour ces bébés sont leur vivacité, qu'ils soient roses et qu'ils aient leur autonomie respiratoire, et qu'ils puissent téter. Leur poids est suivi avec attention et ils peuvent être gavés si besoin.

 Le Dr Ludington a été des plus active pour l'introduction des unités kangourou aux USA. Elle s'est impliquée dans de nombreux projets de recherche, et son travail a eu un impact positif sur les enfants prématurés et leurs parents.

 Dans le petit nombre d'hôpitaux américains qui mettent en pratique la méthode kangourou , il y existe des protocoles qui incitent les mères et les pères á porter leur bébé deux ou trois heures par jour, peau á peau. Le bébé est nu á l'exception de sa couche, et le vêtement de son parent ou une couverture pliée en 4 lui couvre le dos. Le bébé est en position quasi verticale sur la poitrine de son parent.

 Les bénéfices sont nombreux :Le bébé a un rythme du coeur plus stable (Pas de bradycardies), un rythme respiratoire plus régulier(75 % d'apnées en moins), une saturation en oxygène meilleure, des périodes de sommeil plus longues, pas de stress thermique, une prise de poids plus rapide, un développement cérébral plus rapide, une réduction des périodes d'agitation sans but, moins de pleurs, des périodes d'éveil plus longues, et une sortie d'hôpital plus rapide. Les bénéfices pour les parents sont nombreux également : Ils incluent une réparation du deuil d'avoir leur bébé en unité de soin intensif ; les parents se sentent plus proches de leur bébé ; ils forment un attachement plus précoce; ils ont plus confiance en eux pour les soins á leur bébé (ils peuvent faire mieux même que l'équipe de soin !) Ils acquièrent la certitude que le bébé est bien soigné et qu'ils contrôlent la situation( sans parler de la diminution des coûts.) Pourquoi la méthode Kangourou est-elle efficace ? Pourquoi le Dr Ludington et ceux qui utilise cette méthode de soins, obtiennent ils des résultats si spectaculaires avec les bébés kangourou ? Qu'est-ce qui arrive au bébé et á la mère pendant ce temps ?

 L'un des premiers bénéfices, est que le maintien de la température corporelle dépend de la mère, ce qui demande moins de calories au bébé. Les mères modulent naturellement la température de leurs seins pour que l'enfant soit á la température optimale, celle á laquelle les bébés dorment le mieux, ont la meilleure saturation en oxygène, le moins de dépenses caloriques, etc...La température des seins peut augmenter rapidement (jusqu’à 2 degrés en 2 minutes) et redescendre en température si le bébé se réchauffe.

 Etre proche de sa mère aide le bébé á régulariser son rythme respiratoire et cardiaque. Ces bébés présentent moins d'épisodes de bradycardie et parfois n'en présentent aucun. Le rythme respiratoire des bébés kangourous est plus régulier, les apnées diminuent d'un facteur 4 et parfois disparaissent totalement. Si des épisodes d'apnée se présentent, ils durent moins longtemps.

 Au décours des soins kangourous, la vitesse de croissance du bébé prématuré augmente. La raison en est la qualité du sommeil de l'enfant qui peut ainsi utiliser son énergie et se calories pour sa croissance. Le Dr Ludington indique que les f?tus dorment 20 á 22 heures par jour au cours des 6 dernières semaines de grossesse. Dans une unité de soins de réanimation néonatale classique, les bébés dorment moins de deux heures d'un sommeil calme et profond. La plupart du temps ce sommeil s'installe pour de courtes périodes de 10 á 20 secondes. En soin kangourou le bébé se niche contre la poitrine de sa mère et s'endort profondément en quelques minutes. Ces bébés prennent rapidement du poids, bien plus que les bébés en soin classique, et il est intéressant de noter que bien souvent ces bébés ne perdent pas de poids par rapport á leur poids de naissance.

 Les chercheurs ont montré ce qui caractérise la maturation cérébrale du préma au cours des soins kangourou : le diagramme du rythme respiratoire en fonction du rythme cardiaque chez le préma est chaotique : en effet l'enfant prématuré ne sait pas coordonner ces deux rythmes. Si donc la demande cardio vasculaire augmente, comme lors des pleurs , le rythme cardiaque ne s'adapte pas. Autrement dit, le rythme respiratoire augment lors des pleurs, mais le rythme cardiaque ne suit pas. Lorsque les prémas acquièrent de la maturité, ces rythmes se synchronisent, ce qui régularise le diagramme. Chez les bébés kangourous, les chercheurs ont montré que cette synchronisation se fait en quelques dizaines de minutes, ce qui paraît impossible puisque cette maturation demande plusieurs semaines chez les prémas en soin classique. En étudiant les schémas des ondes cérébrales, les chercheurs ont mis en évidence un doublement des ondes alpha( les ondes du contentement et de la joie) chez les bébés kangourous. D'autre part ils ont montré l'apparition de brosses deltas chez ces enfants, qui sont la preuve de la formation de nouveaux synapses. Tenir son bébé contre soi peau á peau favorise donc la formation de nouveaux synapses et donc sa maturation cérébrale.

 Imaginons les conséquences si tous les bébés á risque recevaient des soins " Kangourou " ! Le docteur Ludington résume les soins kangourou :La séparation n'est pas biologiquement normale.

 Aider nos patientes á choisir leur option en tenant compte des risques et des bénéfices, est une part importante du 'être avec la femme''. Connaître suffisamment les soins kangourou pour aider les femmes á prendre leur décision avec une information valable, fait partie intégrante de notre " boite á outils " de sage femme. Tous les enfants bénéficient du contact peau á peau, de l'allaitement au sein,? Mais certains bébés en ont plus besoin encore : Les prématurés, les bébés hypotoniques, ceux qui ont un retard de croissance intra utérin, ceux qui ont du mal á prendre du poids. Les sages femmes feraient bien de s'informer sur les bases des soins kangourou. Ajouter á leur bibliothèque le livre du Dr Ludington serait un premier pas dans ce sens. Encourager les parents, être un soutien positif est aussi très utile. Rappelez vous que les soins kangourous, dans certains cas, ont sauvé la vie des bébés.

 by Holly Richardson

[Originallement publié dans Midwifery Today No. 44, Hiver 1997.]

www.midwiferytoday.com

k préma


La technique kangourou : une méthode naturelle issue du bon sens

 

Interview : Nathalie Charpak, pédiatre française immigrée en Colombie à la fin des années 80 est à l'origine du développement et de l'évaluation de la méthode kangourou en Colombie puis dans le monde. Elle nous explique, avec toute sa conviction et sa passion, les fondements de cette technique originale et naturelle pour faire grandir et amener à terme des enfants de petit poids de naissance et/ou prématurés.

Propos recueillis par

Mickaëlle Bensoussan

(source : www.tamaloo.com)

 

Qu'est-ce que la technique des mères kangourous ?

La technique mère kangourou est née dans une grande maternité de Bogota, en Colombie, pour suppléer le manque d'incubateurs. Après la naissance, on attend que l'état de l'enfant soit stabilisé. Puis la mère et l'enfant s'entraînent à la position kangourou : l'enfant est placé entre les seins de la mère, en contact direct avec sa peau et tous deux doivent rester en position verticale 24 heures sur 24. Même la nuit, pendant laquelle la maman dort à demi assise pour éviter les apnées (pauses respiratoires) de son nouveau-né.

La mère (ou le père, nous en reparlerons plus loin) sert à l'enfant immature de source de chaleur et d'alimentation. La technique permet en outre d'établir une relation plus précoce entre la mère (le père) et l'enfant.

 Qui est à l'origine de cette technique ?

 Le programme "mère kangourou" a vu le jour en 1978 en Colombie grâce au professeur Edgar Rey Sanabria, pédiatre. A l'époque, il travaillait dans une très grosse maternité d'un quartier pauvre de Bogota (20 000 naissances par an), où le nombre de couveuses était largement insuffisant, ce qui avait pour conséquences un grand nombre d'infections et de fréquents abandons dus à une séparation prolongée de la mère et de l'enfant.

D'abord expérimentale, la technique consistait pour les mères à tenir leur enfant prématuré contre elles, peau contre peau, 24 heures sur 24, l'allaitant et le réchauffant, jusqu'à ce que le nouveau-né devienne autonome.

Afin d'évaluer de façon rigoureuse les résultats très prometteurs de la méthode (qui intéressent de nombreux spécialistes de monde entier), nous avons mis en place, ici, à Bogota, un programme codifié dès 1989. Depuis, plusieurs études ont contribué à lever les doutes qu'inspirent les mères kangourous à un grand nombre de médecins. Nous avons démontré que les enfants traités par cette méthode ont une croissance identique à ceux qui sont restés en couveuse à l'hôpital, et ont même un périmètre crânien plus important après un an.

  A qui s'applique cette méthode ?

 Aux nouveau-nés ayant un poids de naissance inférieur à 2 kilos et aux prématurés nés à moins de 37 semaines de gestation (une grossesse normale dure environ 41 semaines). Trente semaines est l'âge gestationnel le plus bas que nous ayons jamais tenté en kangourou.

  Pratiquement, comment ça se passe ?

 Dès que l'état de l'enfant le permet (c'est-à-dire dès qu'il est apte à la vie extra-utérine et capable de téter et déglutir de façon coordonnée), et après une période d'observation minimale de 72 heures, la mère se rend dans l'unité kangourou pour apprendre à porter son enfant en position kangourou, à l'alimenter correctement au sein.

Point essentiel, nous l'aidons à avoir confiance dans ses capacités à prendre en charge son petit enfant. Je tiens à souligner le rôle essentiel des infirmières, expertes, qui ont acquis suffisamment d'expérience pour évaluer les critères nécessaires pour que la mère puisse partir chez elle avec son bébé attaché à elle par une bande de Lycra.

Les parents viennent tous les jours en consultation et apprennent à tirer le lait manuellement, à alimenter l'enfant au compte-gouttes…, jusqu'à ce que celui-ci grossisse d'au moins 15 grammes par kilo et par jour. Ensuite, ils viennent une fois par semaine.

 Comment savoir quand l'enfant est prêt à "renaître" ?

 Le mot "renaître" est juste dans le sens où tant que l'enfant est en kangourou, nous continuons à compter son âge en semaines de gestation. La position kangourou assure en fait une continuité entre la vie intra-utérine et la vie "à l'air libre" et autonome. Lorsqu'il est prêt, vers 37 semaines de gestation, et qu'il a atteint un poids supérieur à 2 300 grammes, nous nous en rendons vite compte : il se met à ramper seul hors de la bande Lycra, pour se dégager lui-même de sa mère. Il arrive même qu'il la griffe !

 Avez-vous personnellement expérimenté la méthode ?

 Il m'est arrivé de porter quelque temps en kangourou l'un des petits jumeaux d'une maman très fatiguée par une césarienne. C'est une expérience incroyable.

 Suivez-vous ces bébés devenus des enfants quelques années plus tard ?

 Nous avons maintenant un recul de six à sept ans. Chez ces enfants, anciens bébés kangourous, rien à signaler de particulier. Ils ont un développement tout à fait normal et harmonieux.

Après le terme, nous les suivons dans la consultation jusqu'à un an d'âge corrigé.

Une chose intéressante et curieuse cependant, qui nécessiterait une plus grande réflexion : 90 % d'entre eux n'ont pas de frères et sœurs. Lorsqu'on interroge les parents leur réponse est en substance : "élever un enfant est une tâche immense et nous voulons nous investir à fond dans l'éducation de celui-ci, avant de penser à en élever un autre". C'est dire à quel point ils s'impliquent dans leur rôle de parent...

 Y a-t-il des échecs ?

 Nous avons besoin d'une croissance minimale de 15 grammes par kilo et par jour : comme dans le ventre de la mère. L'enfant ne grandit pas toujours assez.

Lors des visites des mères avec leur bébé dans la "casita canguro", le lieu des consultations, nous tentons de comprendre pourquoi.

Le plus souvent, il s'agit d'un problème d'alimentation insuffisante, auquel nous pouvons très vite remédier. Mais parfois, on se rend compte que la mère ne garde pas son enfant tout le temps sur elle. Cela retentit immédiatement sur son développement, car maintenir sa température lui demande trop d'énergie : il ne peut plus grandir.

C'est là que tous les membres de l'équipe interviennent pour essayer de remotiver les parents et leur expliquer encore et encore les principes et la pratique de la technique.

 Quelle est l'implication des pères ?

 Une de nos grandes surprises lorsque nous avons monté notre programme kangourou a été l'excellente participation des pères à la consultation : 60 % d'entre eux assistent aux premières consultations.

La Colombie est un pays machiste où l'homme participe en général peu aux soins du nouveau-né.

Plusieurs anecdotes sont étonnantes et émouvantes comme ce père d'un bébé de 1 090 grammes dont la mère était hospitalisée et qui s'est occupé de l'enfant, en papa kangourou, jour et nuit pendant dix jours...

 La méthode a-t-elle été reprise dans le reste du monde ?

 Depuis plusieurs années, les pédiatres de différents pays développés - dont la France - ont commencé à étudier l'impact du contact peau à peau, d'un point de vue non seulement médical, mais également psychologique, chez le prématuré et dans différentes conditions : en unités de soins intensifs ou chez les enfants sous assistance respiratoire, par exemple.

A l'hôpital intercommunal de Créteil en particulier, des choses nouvelles sont faites : le contact peau à peau entre la mère et l'enfant est stimulé, et une mise au sein très précoce de l'enfant prématuré est réalisée. D'autres pays développés vont encore plus loin dans l'application de la méthode kangourou.

En Suède, des enfants immatures de moins de 28 semaines, intubés et ventilés, ont été mis en contact direct peau à peau, sans que cela altère leur équilibre physiologique.

 Un message à toutes les mères que l'expérience kangourou tenterait si l'occasion se présentait...

 La technique kangourou est une méthode naturelle issue du bon sens. Dans les pays développés, on a tendance à croire que les soins sont plus efficaces s'ils font plus intervenir la médecine.

Imaginez ce que peut ressentir un tout petit bébé, dans une couveuse, intubé, seul, et sans aucun contact humain, avec pour seuls bruits à entendre celui des machines médicales qui l'entourent.

Je souhaite une plus grande prise de conscience dans le sens d'une humanisation des soins de l'enfant prématuré. Je pense que la méthode kangourou y contribue : elle aide l'enfant prématuré à s'intégrer plus rapidement au sein de sa famille avec les bénéfices que vous pouvez imaginer sur le plan social, psycho-émotif et aussi économique sans mettre en jeu ni la vie de l'enfant, ni la qualité de sa survie. Et à celles qui hésitent parce que, porter son enfant jour et nuit, être à sa disposition pour l'alimenter toutes les deux heures et s'investir à 100 % pour l'aider à entrer dans la vie est fatigant, je dis "oui, faire un enfant, c'est épuisant, et ça demande un investissement total ! Qui a dit qu'être parent était une chose facile ?"

kangourou


Les unités "kangourou" en France :

 

La méthode "kangourou" fait des émules. En France, il existe quelques unités "kangourou" dans lesquelles on peut garder son bébé prématuré contre soi, à même la peau, pour le faire grandir dans sa chaleur, à l'image des mamans kangourous de Bogota. A vrai dire, ces structures sont peu nombreuses. Moins d'une dizaine... Médecins et politiques restent encore réfractaires à la méthode colombienne. Pourtant ces unités de soins ont l'immense intérêt de préserver la relation mère-enfant, souvent mise à mal par l'omniprésence des couveuses et de la technologie. Interview des docteurs Anne Cortey et Christianne Huraux-Rendu, de l'hôpital Intercommunal de Créteil où la technique kangourou est expérimentée depuis les années 80.

Propos recueillis par

Brigitte-Fanny Cohen

(source : www.tamaloo.com)

 

Comment se pratique la méthode kangourou en France ?

 Dr Huraux-Rendu : contrairement à la Colombie, il ne s'agit pas de porter le bébé, en peau à peau, 24 heures sur 24, hors de l'hôpital. Le portage est laissé à la discrétion de la maman qui reste à la maternité. Souvent, au tout début, elle le prend en peau à peau une ou deux heures, quatre ou cinq fois dans la journée. Ensuite, davantage. Le reste du temps, le bébé reste dans sa couveuse, dans la chambre de sa mère. L'objectif, c'est de permettre à la maman de garder son enfant en peau à peau autant qu'elle le souhaite... tout en assurant la sécurité des bébés : les unités kangourous sont des unités de néonatologie à part entière, avec le même équipement, la même technologie, le même personnel (pédiatre à temps plein, infirmière, puéricultrice...). Les soins sont le plus souvent réalisés dans la chambre de la mère, afin de l'inclure au maximum à la vie de l'enfant. C'est l'équipe soignante qui se déplace vers la mère et non l'inverse.

 Dr Cortey : le père est également invité à participer aux soins et à pratiquer le peau à peau, autant que son travail le permet.

 Pour quelles raisons les unités kangourous sont-elles apparues en France, alors que les services spécialisés regorgent de couveuses hautement performantes ?

 Dr Huraux-Rendu : notre expérience a commencé de façon informelle dans les années 1980 à l'hôpital Intercommunal de Créteil. Au départ, il s'agissait simplement de rapprocher le bébé prématuré de sa maman, c'est pourquoi nous proposions à chaque accouchée qui le désirait de garder son enfant contre elle, en peau à peau. L'évolution s'est ensuite faite progressivement vers une plus grande prise en charge du bébé par sa mère. Notre unité kangourou a été officialisée en 1997, à la faveur d'une restructuration du service. La première unité kangourou officielle fut créée en 1987 à l'hôpital Antoine-Béclère à Clamart.

  Quels sont les prématurés qui peuvent rejoindre une unité kangourou ?

 Dr Huraux-Rendu : tout nouveau-né malade (pratiquement quel que soit son poids et son terme) peut être admis en unité kangourou mais à trois conditions : que son état de santé soit relativement stable , principalement sur les plans cardiaque et respiratoire ; que la mère le souhaite et ce n'est pas toujours facile pour elle de prolonger son séjour à l'hôpital d'une ou deux semaines ; et qu'il y ait une place dans l'unité. On peut aussi bien accepter des nouveaux-nés à terme souffrant d'infection que des prématurés nécessitant une surveillance plus spécifique.

 Quels sont les bénéfices que l'enfant et sa mère peuvent retirer de telles structures, par rapport aux unités classiques dans lesquelles les prématurés restent en couveuses, séparés de leurs parents ?

 Dr Huraux-Rendu : le gain se situe surtout dans le domaine psycho-affectif. Il est toujours très dur d'être séparé de son enfant à la naissance. Dans une unité kangourou, le contact physique entre la mère et son enfant est maintenu. Et c'est essentiel puisque le développement précoce du nouveau-né dépend de cette interrelation précoce. Par ailleurs, la participation de la mère aux soins de puériculture et surtout à l'alimentation de son enfant lui permet de reprendre confiance en elle-même, car, bien souvent, elle se sent culpabilisée d'avoir donné la vie à un bébé prématuré ou malade.

 Dr Cortey : ce qui est très important, c'est que les mères n'ont plus une vision négative de leur enfant. Elles ne le perçoivent pas comme un bébé malade, un bébé de transition dont on ne sait pas s'il va vivre ou mourir. Et une maman kangourou reconnaît les capacités de son enfant bien plus rapidement. Elle ne se pose pas les mêmes questions qu'une maman dont l'enfant est en couveuse : est-ce qu'il va pouvoir manger, boire... La maman kangourou a confiance dans son bébé. C'est un individu à part entière et non un prématuré. En sortant de l'hôpital, elle est moins angoissée.

 Est-ce aussi une façon de dédramatiser la prématurité ?

 Dr Huraux-Rendu : oui, la pathologie et les soins sont dédramatisés, grâce à la participation de la mère à ces soins. Et comme les conditions habituelles de la naissance - le bébé dans la chambre de sa mère - sont maintenues, les visites sont autorisées et les frères et soeurs notamment peuvent partager avec les parents la joie de cette naissance.

 Des études ont-elles quantifié tous ces bénéfices ?

 Dr Huraux-Rendu : dans notre hôpital, nous avons comparé la durée de séjour de bébés prématurés souffrant exactement de la même pathologie, les uns mis en couveuses, les autres placés dans l'unité kangourou. Les bébés "couveuses" sortaient en moyenne au bout de 25 jours d'hospitalisation... contre seulement 15 jours pour les bébés kangourous ! Une différence significative.

 Dr Cortey : il est démontré que le portage en peau à peau est efficace pour réchauffer et maintenir la stabilité thermique du nouveau-né. Les enfants se mettent à boire plus précocément et l'allaitement maternel est plus fréquemment réussi.

  Au vu de ces résultats, on se demande pourquoi il y a si peu d'unités kangourous en France, pourquoi les pouvoirs publics n'ont pas cherché à développer cette méthode, et, enfin, pourquoi les médecins s'y sont si peu intéressés ?

 Dr Cortey : les politiques s'interrogent peut-être sur l'aspect financier de ces unités. En effet, pour rester avec leur enfant, les mères sont hospitalisées plus longtemps que prévu, pendant en moyenne dix à quinze jours. Cette hospitalisation prolongée génère un surcoût. Et les pédiatres n'ont pas beaucoup réagi à cette méthode parce qu'ils ne sont pas formés à la pratique de la pédiatrie en maternité. Ils savent soigner les nouveaux-nés mais n'apprennent pas, au cours de leurs études, la relation mère-enfant, l'allaitement... Il faut souligner aussi le problème des effectifs. Il y a actuellement peu de pédiatres exerçant à temps plein dans les maternités.

 Dr Huraux-Rendu : il faut dire également qu'en France, la naissance est très médicalisée. C'est très bien de pouvoir intervenir à tout moment pour assurer la sécurité de la mère et de l'enfant. Mais il ne faut pas oublier la place de l'humain. Autre problème fondamental: il s'agit d'une nouvelle façon de travailler. Dans les unités kangourou, les soignants donnent une partie de leur pouvoir aux mères : le pédiatre mais aussi la puéricultrice, l'infirmière... Une unité kangourou ne peut fonctionner que si tous, soignants et mamans, sont impliqués et motivés. Les mentalités doivent donc changer. Il faut notamment que les équipes médicales acceptent de déléguer, de faire confiance aux mères et aux bébés.

 Dr Cortey : et puis il n'y a pas si longtemps que l'on reconnaît les compétences du nouveau-né. Il y a encore du chemin à faire...

unités kangourou

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